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Recul-Sommet de la démocratie: des pays africains triés sur le volet

Pascal Airault
09 décembre 2021 à 6h00

Moins d’un tiers des pays du continent a été invité à l’événement organisé par les Etats-Unis. L’Afrique du Nord et de nombreux pays anciennement colonisés par la France feront figure de grands absents

Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, s’est longuement épanché sur le recul démocratique à l’occasion du forum sur la paix et la sécurité à Dakar, le 6 décembre. « L’ère démocratique ouverte au début des années 1990 avait réveillé d’immenses espoirs d’une modernité́ institutionnelle et de lendemains économiques et sociaux enchantés, a-t-il expliqué. Trente ans après les résultats sont très mitigés. Nous sommes nous trompés de système de gouvernement ? Avons-nous péché par mimétisme facile (ndlr : celui des démocraties occidentales) ? »

Ce questionnement intervient à l’heure où nombre de dirigeants (Guinée, Côte d’Ivoire, Congo-Brazzaville) ont procédé à des changements non constitutionnels pour prolonger leur règne, d’autres procèdent à des tripatouillages électoraux, où achètent les consciences le jour du vote. Ce qui a donné naissance à des mouvements révolutionnaires et la reprise des coups d’Etats, et ce malgré la charte de l’Union africaine sur la démocratie, les élections et la bonne gouvernance complétée par des blocs d’arsenaux institutionnels et juridiques.

« Chants des sirènes ». Ce recul n’a pas échappé à l’administration Biden, qui n’a invité que dix-sept pays africains sur cinquante-quatre, soit un peu moins d’un tiers, à son sommet sur la démocratie. Parmi les « bons élèves », la plupart des pays d’Afrique australe, de l’Afrique de l’Ouest anglophone comme le Ghana, les pays insulaires comme Sao Tomé-et-Principe, le Cap Vert, les Seychelles et Maurice. Les pays d’Afrique du Nord — même les alliés comme l’Egypte et le Maroc — et la plupart des Etats de l’ancien pré carré francophone, à l’exception du Niger et du Sénégal, font figure de grands absents. La RD Congo de Félix Tshissekedi est invitée alors que la dernière présidentielle a fait l’objet d’arrangements, dénoncés notamment par la France.

Ce sommet intervient au moment où l’Afrique est sousle choc des impacts socio-économiques de la pandémie de coronavirus. « Moins de 8 % du continent est entièrement vacciné, ce qui sape les efforts pour relancer la reprise, explique Zainab Usman, directrice du programme Afrique du Carnegie Endowment for International Peace. Ce défi immédiat est aggravé par les problèmes de longue date liés aux conflits au Sahel et dans la Corne de l’Afrique au milieu des tensions géopolitiques croissantes entre puissances mondiales rivales. »

Pour ce think tank proche de l’administration Biden, la détérioration de la situation économique des pays a un impact sur la démocratie, l’essor du terrorisme, la bonne gouvernance et les droits de l’homme. « La démocratie est soutenue par la prospérité matérielle des citoyens en termes de bons emplois, d’augmentation des revenus et de bien-être général, poursuit Zainab Usman. Des bureaucrates bien payés, comme ceux de Singapour, sont moins susceptibles de siphonner les fonds publics. Les jeunes avec de bonnes perspectives d’emploi vivant dans des communautés sécurisées avec des routes, des hôpitaux et des services de santé décents sont moins susceptibles d’écouter les chants des sirènes des insurrections violentes et des gangs criminels. »