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Gbagbo- Bédié: retrouvailles fraternelles de deux politiques

Un accueil chaleureux a été réservé samedi à Daoukro, en Côte d’Ivoire, à l’ancien président Laurent Gbagbo lors des retrouvailles fraternelles très attendues avec son prédécesseur et ancien rival devenu allié, Henri Konan Bédié.

Une étape clé vers la guérison de la longue crise politique que traverse le pays.

Les deux anciens chefs d’État se sont embrassés chaleureusement avant de marcher main dans la main sur quelques dizaines de mètres, de saluer la foule et de s’asseoir côte à côte pour assister à plusieurs spectacles et discours.

Henri Konan Bédié avait rendu visite à Gbagbo fin juillet 2019 à Bruxelles, où ce dernier résidait en liberté conditionnelle en attendant la confirmation de son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI).

Désormais libre, Gbagbo est rentré en Côte d’Ivoire le 17 juin et c’est la première fois qu’il rencontre Bédié depuis son retour. « Une marque de réconciliation », a-t-il déclaré.

« Bédié-Gbagbo, unis pour une opposition plus forte » : dix ans plus tard, le mot d’ordre est l’union, à l’image des nombreux T-shirts, pagnes et banderoles des militants présents à Daoukro.

Lors de ce moment fort, Gbagbo a fini par prendre lui-même la parole. « Cet acte que je pose en venant rencontrer Henri Konan Bédié est un acte de réconciliation et de reconnaissance ».

Dans son discours de 30 minutes devant les militants sociaux et la classe politique présents, Gbagbo s’est inscrit en faux contre le troisième mandat controversé du président Alassane Ouattara — dont la course à la réélection en 2020 a été boycottée par l’opposition qui l’a jugée anticonstitutionnelle.

Gbagbo, 76 ans, Bedie, 87 ans, et Alassane Ouattara, 79 ans, ont dominé la scène politique ivoirienne pendant des décennies, plongeant souvent dans des rivalités ou forgeant des alliances.

M. Gbagbo a fait référence à cette évolution des événements — en invoquant le respect de la constitution pour le bien de la nation.

« Nous pouvons décider que nous n’avons pas de Constitution et vivre ainsi. Mais si nous avons une Constitution, nous devons nous battre pour être du côté de la Constitution. Respectons les textes ! » a-t-il déclaré.

Nouvelles alliances électorales ?

« Et si nous avons une constitution — un recueil de textes pour nous guider, nous devons nous battre pour être du côté de la constitution et ainsi la constitution sera de notre côté. »

« Quand on parle de réconciliation, c’est tout ça. La réconciliation c’est tout ça : respecter les textes et respecter les êtres humains. »

Bédié a fait équipe avec Ouattara lors des élections de 2010, pour ensuite voir son Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) rejoindre l’opposition en 2018, puis nouer une alliance électorale avec le Front populaire ivoirien (FPI) de Gagbago en mars de cette année.

« Avec mon histoire, est-ce que je peux parler en Côte d’Ivoire sans que ce soit politique ? Alors faisons de la politique ! » a-t-il également déclaré sur le podium, sous des applaudissements nourris.

La perspective d’une alliance entre le PDCI et le FPI n’est pas exclue pour les prochaines élections nationales.

« Nous ne pouvons pas l’exclure. C’est une alliance pour le bien de la Côte d’Ivoire, pas contre qui que ce soit », a déclaré aux médias Antoni Garou, le député-maire pro-Gbagbo d’Ouragahio, qui comprend la circonscription de Mama, le village natal de Laurent Gbagbo.

« Il a dit qu’il espérait que le président Ouattara recevrait bientôt Gbagbo et Bédié.

Guérison et expiation politiques ?

Pendant les dix années de mandat de Gbagbo, le pays a été en proie à la révolte et à l’agitation, culminant dans un conflit qui a éclaté après qu’il a refusé de céder la défaite électorale à Ouattara.

Gbagbo a été arrêté en avril 2011 et traîné devant la CPI pour répondre des accusations de crime contre l’humanité résultant des violences, qui ont fait quelque 3 000 morts.

Il a été acquitté en janvier 2019, une décision qui a été confirmée en mars de cette année et lui a permis de rentrer chez lui le 17 juin.

Ouattara, son rival d’antan, a officiellement salué son retour, voyant en lui une possibilité d’apaiser les problèmes bien ancrés du pays.

L’année dernière, des dizaines de personnes ont été tuées lors d’affrontements préélectoraux avec la police après que M. Ouattara eut dévoilé de manière controversée sa candidature à un troisième mandat présidentiel.

Les élections, qui ont eu lieu le 31 octobre, se sont soldées par une victoire écrasante de M. Ouattara, mais ont été vidées de toute crédibilité après que la plupart des membres de l’opposition ont boycotté le scrutin.

L’ancien Premier ministre de Gbagbo, Pascal Affi N’Guessan, a appelé Ouattara, Bédié et Gbagbo à se rencontrer pour que la Côte d’Ivoire « sorte définitivement de la crise et scelle la réconciliation. »